Un moteur électrique dans une vieille auto thermique, c’est un peu comme mettre une carte graphique dernier cri dans un vieux PC tour beige : ça ne rajeunit pas la carrosserie, mais à l’intérieur, c’est une autre histoire. Et c’est exactement ce que propose le retrofit électrique.
Si vous êtes ici, c’est que l’idée de garder votre voiture, mais sans passer votre vie à la pompe, commence à vous travailler sérieusement. Bonne nouvelle : c’est possible. Mauvaise nouvelle : ce n’est pas aussi simple que de commander un câble USB sur Internet.
Dans cet article, on va parler d’un point clé : le moteur électrique pour retrofit, et surtout, comment choisir le bon kit pour VOTRE auto. Parce qu’entre les promesses marketing, les contraintes réglementaires et les réalités techniques, il vaut mieux arriver armé.
Retrofit : ce que ça change vraiment pour votre voiture
Le retrofit, c’est le fait de remplacer le système de propulsion thermique (moteur essence ou diesel) d’un véhicule par une motorisation électrique. On ne change pas de voiture, on change son cœur.
En pratique, un kit de retrofit comprend en général :
- un ou plusieurs moteurs électriques,
- un pack de batteries,
- un contrôleur (le cerveau qui gère le moteur),
- un chargeur,
- la connectique, les supports et l’adaptation mécanique,
- et parfois, de nouveaux instruments de bord (affichage d’autonomie, etc.).
Le moteur est la star du kit, mais ce n’est pas le seul élément à regarder. Si vous choisissez un moteur démesuré par rapport à votre véhicule ou mal adapté à votre usage, vous risquez d’avoir une voiture « électrifiée »… mais frustrante à conduire ou très compliquée à homologuer.
Les grands types de moteurs électriques pour retrofit
On ne va pas sortir tout le catalogue des motoristes, mais il existe trois grandes familles de moteurs que vous croiserez souvent dans les kits de retrofit pour voitures :
- Moteur synchrone à aimants permanents (PMSM)
- Moteur asynchrone (induction)
- Moteur à courant continu (DC) – plus rare sur les kits sérieux actuels
Pour simplifier, voilà le portrait-robot de chacun.
Le moteur synchrone à aimants permanents
C’est le grand favori des véhicules électriques modernes.
- Très bon rendement (peu de pertes, donc plus d’autonomie).
- Couple élevé dès les bas régimes (accélérations plaisantes).
- Compact et léger pour une puissance donnée.
- En contrepartie : technologie plus chère et parfois plus complexe à intégrer.
Vous en trouverez beaucoup dans les kits de retrofit récents, notamment pour les citadines et compactes.
Le moteur asynchrone (induction)
- Robuste, simple, relativement moins cher à fabriquer.
- Très fiable, tolérant, apprécié sur des conversions plus « utilitaires ».
- Rendement parfois légèrement inférieur au PMSM, surtout hors de sa plage idéale.
On le retrouve sur certains kits pour véhicules plus lourds, fourgonnettes, ou projets où la fiabilité prime sur la performance pure.
Le moteur à courant continu (DC)
- Technologie plus ancienne.
- Électronique plus simple, mais moins performante.
- Moins efficace, plus d’entretien dans certains cas.
On le voit encore sur des projets DIY ou des anciennes conversions, mais pour un projet légal, homologué et durable, mieux vaut viser PMSM ou induction.
Une puissance de moteur… adaptée à votre auto, pas à votre ego
La question qui revient tout le temps : « Combien de kW il me faut ? »
Réflexe classique : vouloir à tout prix « gagner » en puissance par rapport au moteur thermique d’origine. Mauvaise idée, ou du moins, pas forcément la priorité.
Voici les principaux points à considérer pour la puissance :
- La puissance d’origine de votre véhicule : si votre voiture faisait 75 ch (55 kW) à l’origine, partir sur un moteur électrique de 50 à 80 kW est généralement suffisant.
- Le couple : un moteur électrique a son couple maximal très tôt, ce qui améliore les sensations d’accélération même à puissance équivalente.
- Le poids du véhicule : une petite citadine rétrofitée à 120 kW « pour le fun », ce n’est pas forcément raisonnable, ni pour le châssis, ni pour l’homologation.
- L’usage réel : trajets urbains, départementales tranquilles, autoroute chargée… ou montagne tous les week-ends ? Ça change tout.
En France, dans le cadre du retrofit homologué, il existe des limites et ratios à respecter par rapport à la puissance et au poids d’origine du véhicule. Les kits sérieux sont dimensionnés pour rester dans ces clous, ce qui est très pratique : ça évite de vous retrouver avec une fusée impossible à faire passer à la DREAL.
Couple, régime, poids : les chiffres qui comptent vraiment
Le choix du moteur ne se résume pas à la puissance maximale affichée. Trois paramètres sont particulièrement importants :
- Le couple (Nm) : plus il est élevé à bas régime, plus les démarrages et reprises seront confortables, surtout pour un véhicule un peu lourd.
- Le régime maximal (tr/min) : il détermine, avec la démultiplication, la vitesse maximale possible.
- Le poids du moteur : c’est de la masse en plus (ou en moins) sur l’essieu, qui influence comportement routier et freinage.
Un moteur électrique plus léger que le bloc thermique d’origine peut améliorer l’équilibre de la voiture. À l’inverse, si vous ajoutez un moteur + batteries beaucoup plus lourds que l’ensemble moteur/boîte/réservoir d’origine, vous jouez avec la répartition des masses. Les kits sérieux tiennent compte de ça, mais c’est un point qu’il vaut mieux comprendre avant de se lancer, surtout sur les véhicules anciens à la tenue de route… approximative.
Kit « plug-and-play » vs projet sur-mesure
Il y a grosso modo deux approches pour votre moteur de retrofit :
- Le kit dédié à un modèle précis (ou à une gamme de modèles proches)
- Le montage sur-mesure pour un véhicule plus exotique
Le kit dédié, c’est un peu comme acheter un meuble déjà prévu pour rentrer dans votre salon. Moins de surprises.
- Moteur, supports, interfaces déjà conçus pour votre modèle.
- Documentation, retours d’expérience, homologation déjà réalisée ou facilitée.
- Idéal pour des voitures courantes : Clio, 2CV, Coccinelle, petites citadines, utilitaires légers, etc.
Le sur-mesure, c’est quand vous voulez électrifier un véhicule atypique, ou que vous aimez la bidouille technique :
- Plus de liberté sur le choix du moteur et son positionnement.
- Mais aussi : plus de calculs, plus de tests, plus de temps, plus de budget.
- Homologation souvent plus longue et plus complexe.
Si votre objectif est simplement d’avoir une voiture propre, fiable, utilisable au quotidien, un kit déjà prévu pour votre modèle (ou très proche) est souvent le choix le plus malin. Si votre but est de faire de votre vieux coupé des années 80 une bête de salon et de salon auto, le sur-mesure peut se défendre… mais ce n’est plus le même film.
Batterie, moteur, autonomie : l’équilibre à trouver
On pourrait être tenté de choisir le moteur comme on choisit un smartphone : le plus puissant possible, point. Sauf que dans un retrofit, tout est lié :
- Un moteur plus puissant demande, en général,
- une batterie capable de fournir plus de courant,
- ce qui signifie souvent plus de capacité, plus de poids,
- et donc un impact sur l’autonomie ET les performances globales.
La bonne question n’est pas : « Quel est le moteur le plus puissant que je peux mettre ? » mais plutôt : « Quel est l’équilibre idéal entre moteur, batterie et poids… pour mon usage ? »
Quelques cas concrets :
- Usage urbain / périurbain : un moteur modérément puissant, mais vif, avec une batterie offrant 100 à 200 km réels suffit largement. L’accent est mis sur la sobriété et la fiabilité.
- Usage mixte, un peu d’autoroute : viser un moteur capable de tenir une vitesse stabilisée confortable (110–130 km/h), avec un couple suffisant pour les reprises, et une batterie autour de 200–300 km d’autonomie réelle.
- Routes de montagne, véhicule chargé : couple important et refroidissement moteur à ne pas négliger, sinon gare aux limites thermiques lors des longues montées.
Un motoriste sérieux vous parlera toujours d’ensemble moteur + batterie + transmission, pas seulement de chevaux et de kW.
Boîte de vitesses ou pas boîte de vitesses ?
Autre débat classique : garder ou non la boîte de vitesses d’origine.
Option 1 : conserver la boîte de vitesses
- On fixe le moteur électrique à la boîte existante.
- Moins de modifications sur la transmission et les cardans.
- Permet d’optimiser le régime moteur selon la situation (montée, ville, autoroute).
- Mais : un peu plus de complexité mécanique, il faut gérer l’embrayage ou un système équivalent.
Option 2 : passer en transmission directe (sans boîte)
- Le moteur est relié directement au pont ou à un réducteur fixe.
- Conduite simplifiée (une « vitesse » unique), comme sur un VE moderne.
- Moins de pièces mécaniques en mouvement, donc moins d’entretien.
- Mais : le moteur doit être dimensionné pour couvrir toute la plage de vitesses, ce qui peut influer sur son choix et sa taille.
Certains kits sont conçus pour garder la boîte de vitesses (très courant sur les anciennes), d’autres pour la supprimer complètement. Là encore, ce n’est pas un détail : cela conditionne directement le type de moteur choisi, son régime de rotation et sa courbe de couple.
Réglementation, homologation : le moteur ne fait pas tout
En France, le retrofit est encadré par un texte clair : l’arrêté du 13 mars 2020. Pour faire simple, il impose :
- que le véhicule ait plus de 5 ans (ou 3 ans pour certains utilitaires),
- que le poids et la répartition des masses restent dans certaines limites par rapport à l’origine,
- que la puissance ne dépasse pas des seuils précis (en gros, pas de flinguer les capacités du châssis et des freins).
Résultat : le choix du moteur ne se fait pas seulement sur critères techniques et financiers, mais aussi sur la base de ce cadre réglementaire. Les kits homologués sont justement conçus pour respecter ces règles sans que vous ayez à jongler avec les textes.
Si vous vous amusiez à monter un moteur beaucoup plus puissant que celui prévu dans le kit, autant vous le dire : niveau homologation, vous partez pour un très long voyage administratif. Avec peu de chances de succès.
Comment comparer concrètement deux kits de moteurs ?
Revenons au concret : vous avez repéré deux kits pour votre modèle de voiture, avec des moteurs différents. Comment trancher ? Quelques critères utiles :
- Puissance et couple : suffisants pour votre usage, sans être délirants par rapport à l’origine.
- Poids du kit : moteur + batterie + accessoires. Comparez ce poids au poids de votre groupe motopropulseur actuel.
- Type de moteur : aimants permanents ou induction, rendement, fiabilité connue.
- Intégration dans le châssis : perçages, soudures, supports spéciaux, modification de la structure ? Moins il y en a, mieux c’est.
- Gestion thermique : refroidissement par air, par liquide, présence d’une pompe, d’un radiateur… c’est crucial si vous habitez dans une région chaude ou très vallonnée.
- Retour d’expérience : existe-t-il déjà des véhicules comme le vôtre convertis avec ce kit ? Avec quel recul (kilométrage, problèmes rencontrés) ?
- Documentation et support : notices claires, SAV, accompagnement pour l’homologation.
À ce stade, parler avec un installateur agréé peut vraiment faire la différence. En dix minutes de discussion, vous verrez vite si on essaie juste de vous vendre « le plus gros moteur possible » ou si quelqu’un a réellement réfléchi à votre usage et à votre véhicule.
Budget : ce que change le choix du moteur dans la facture finale
Un dernier point, rarement évoqué dans les brochures trop optimistes : le moteur impacte votre budget, mais pas seulement à l’achat.
Sur le coût initial :
- Les moteurs PMSM performants sont souvent plus chers, mais permettent d’avoir une batterie un peu plus raisonnable pour la même autonomie.
- Les moteurs induction peuvent être moins chers à l’achat, mais leur rendement moindre peut vous pousser à installer une batterie légèrement plus grosse.
Sur le coût à l’usage :
- Un moteur plus efficient = moins de kWh consommés pour le même trajet.
- Moins de puissance inutile = moins de sollicitations extrêmes = moins de stress mécanique et thermique.
Et sur le coût caché :
- Un moteur mal dimensionné peut impliquer des modifications coûteuses (freinage, suspension).
- Un kit exotique, peu répandu, peut rendre les pièces de rechange plus difficiles (et chères) à obtenir.
Oui, choisir le bon moteur, c’est aussi penser « coût total » et pas seulement prix du kit sur la facture.
Par où commencer pour choisir le bon moteur de retrofit ?
Avant de cliquer sur « Demander un devis », quelques étapes simples peuvent vous éviter bien des surprises :
- Listez vos usages réels : kilomètres par an, types de trajets, vitesse moyenne, passages en montagne, besoin de remorquage éventuel.
- Notez les caractéristiques de votre voiture : puissance d’origine, poids à vide, PTAC, type de transmission, état général (freins, châssis).
- Fixez une autonomie réaliste : 100 km réels suffisent parfois largement. Viser 400 km « pour être tranquille » explose le projet pour rien.
- Repérez 2 ou 3 installateurs qui ont déjà converti des véhicules similaires.
- Comparez leurs propositions : type et puissance moteur, poids total du kit, intégration dans la voiture, coûts annoncés, délais, accompagnement administratif.
C’est souvent à ce moment-là qu’une évidence émerge : le bon moteur n’est ni le plus gros, ni le plus petit, ni le plus « à la mode », mais celui qui s’intègre naturellement à votre voiture et à votre vie.
Et, quelque part, c’est toute la beauté du retrofit : garder ce bout d’histoire roulante que vous aimez, tout en lui offrant un cœur neuf et (presque) silencieux. Un moteur électrique bien choisi, c’est un compromis heureux entre nostalgie mécanique et pragmatisme électrique.
