Et si, au lieu de signer un gros chèque pour un SUV électrique flambant neuf, vous donniez simplement une seconde vie à votre bonne vieille voiture thermique ? C’est exactement la promesse du retrofit électrique : transformer un véhicule essence ou diesel en voiture zéro émission (ou presque), sans changer de volant, ni de siège, ni même de grincement de portière. Un peu comme offrir un cœur neuf à un vieux compagnon de route.
Retrofit électrique : de quoi parle-t-on exactement ?
Le retrofit, c’est l’art de retirer le moteur thermique (et tout ce qui l’accompagne : réservoir, échappement, pot catalytique, etc.) pour le remplacer par un moteur électrique, une batterie et l’électronique qui va bien. On garde la carrosserie, le châssis, l’habitacle, la carte grise (modifiée), mais on change l’âme mécanique du véhicule.
En France, ce n’est pas une lubie de bricoleur fou dans son garage. Le retrofit est encadré légalement depuis 2020. Il y a donc des règles, des homologations, des entreprises spécialisées, bref : tout ce qu’il faut pour que ce soit autre chose qu’un projet YouTube.
Pour résumer, un retrofit moteur électrique, c’est :
- un moteur thermique retiré,
- un moteur électrique installé à la place (ou en complément, dans de rares conversions hybrides),
- un pack de batteries souvent positionné dans le coffre, sous le plancher ou à la place du réservoir,
- un nouveau système de gestion électronique,
- une mise en conformité avec la réglementation, et une nouvelle mention sur la carte grise.
Extérieurement ? Votre voiture peut rester exactement la même. Juste… beaucoup plus silencieuse.
Pourquoi transformer sa voiture au lieu d’en acheter une neuve ?
La question se pose forcément : pourquoi s’embêter à rétrofiter une voiture de 10 ou 15 ans, alors que les constructeurs proposent désormais des modèles électriques tout beaux tout neufs, avec écrans XXL et jantes qui brillent ?
Plusieurs raisons, très rationnelles (et un peu sentimentales aussi) :
- Écologie pragmatique : produire une voiture neuve, même électrique, consomme énormément de ressources. Garder votre véhicule et changer uniquement le groupe motopropulseur, c’est éviter la mise au rebut d’une carrosserie et d’un châssis encore en bon état.
- Économie potentielle à long terme : un retrofit reste cher (on en parle plus bas), mais il peut être moins coûteux qu’un véhicule électrique neuf, surtout si vous adorez votre voiture actuelle et que vous comptiez la garder encore longtemps.
- Attachement affectif : certains refusent de se séparer de leur vieille Mini, 205, Golf, ou fourgon aménagé. Le retrofit permet de garder l’objet, en le rendant compatible avec les ZFE (Zones à Faibles Émissions).
- Accès aux centres-villes : les restrictions se durcissent dans de nombreuses villes françaises. Un véhicule rétrofité électriquement peut retrouver le droit de cité là où un vieux diesel n’a plus aucune chance.
- Entretien simplifié : fini les vidanges, les courroies de distribution, les embrayages qui lâchent au pire moment. Un moteur électrique, c’est robuste et demande peu d’entretien.
En clair, le retrofit, c’est un peu le compromis entre votre attachement à l’ancien monde (la voiture que vous connaissez par cœur) et l’inévitable marche vers le tout-électrique.
Ce que dit la loi en France (et pourquoi ça compte)
Depuis avril 2020, le retrofit électrique est officiellement encadré en France par un arrêté. Sans ça, chaque transformation aurait été un casse-tête administratif. Aujourd’hui, le cadre est clair, même s’il est assez strict.
Les grandes lignes :
- Le véhicule doit avoir plus de 5 ans (2 ans pour les poids lourds).
- La puissance du moteur électrique ne doit pas dépasser plus de deux fois la puissance du moteur d’origine.
- Le poids total du véhicule ne doit pas augmenter de plus de 20 % par rapport à l’homologation initiale.
- L’installation doit être réalisée par un professionnel agréé qui utilise un kit homologué.
- La carte grise est modifiée pour devenir « électrique », avec les avantages associés (vignette Crit’Air 0, exonération de taxe régionale dans beaucoup de régions, etc.).
En clair : non, vous ne pouvez pas légalement commander un moteur sur internet, bricoler ça avec un pote le week-end et vous pointer au contrôle technique comme si de rien n’était. L’État a prévu le coup.
Comment se passe concrètement un retrofit moteur électrique ?
Imaginons : vous avez une vieille Clio ou un utilitaire que vous adorez, et vous voulez passer au tout électrique sans changer de véhicule. Que va faire le professionnel que vous contactez ?
Les grandes étapes se ressemblent d’un atelier à l’autre :
- Diagnostic initial : état général du véhicule, corrosion, freins, amortisseurs, châssis. Si la voiture est fatiguée de partout, ça n’a aucun intérêt d’investir plusieurs milliers d’euros dans un retrofit.
- Démontage du groupe motopropulseur : moteur thermique, boîte de vitesses (parfois conservée, parfois non), échappement, réservoir, certaines lignes de carburant.
- Installation du moteur électrique : souvent en lieu et place du moteur thermique. Le moteur est relié soit à la boîte de vitesses d’origine, soit directement aux roues via un réducteur.
- Intégration des batteries : positionnées sous le plancher, à la place du réservoir ou dans le coffre, en veillant à l’équilibre des masses et à la sécurité (protection contre les chocs et les infiltrations d’eau).
- Installation de l’électronique : contrôleur, chargeur, câblage haute tension, interface avec le tableau de bord (jauge de batterie, indicateurs).
- Tests et homologation : essais routiers, validation sécurité, puis passage en DREAL pour l’homologation (ou équivalent via le fabricant du kit).
Résultat : votre voiture ne fait plus de bruit au démarrage, ne vibre plus, ne sent plus l’essence, mais vous montez toujours à bord par la même portière qui coince un peu l’hiver.
Et l’autonomie dans tout ça ?
C’est l’une des premières questions qui revient : combien de kilomètres peut-on espérer avec une voiture rétrofitée ? La réponse est : ça dépend du véhicule, du kit et de l’usage.
En général, les conversions pour voitures particulières tournent autour de :
- 100 à 150 km d’autonomie réelle pour des usages urbains ou périurbains,
- parfois 200 km sur des kits plus coûteux ou pour des véhicules légers.
On est loin des gros SUV électriques qui annoncent 500 km, mais ce n’est pas le même usage. Le retrofit vise surtout ceux qui roulent :
- en ville,
- pour des trajets domicile-travail,
- ou pour des tournées professionnelles locales (artisans, livreurs, services).
Si vous rêvez de traverser l’Europe en une charge avec votre Twingo de 1998, on ne va pas se mentir : ce n’est pas la bonne solution. En revanche, pour faire 40 km par jour sans jamais passer à la pompe, là, ça devient très pertinent.
Combien ça coûte de rétrofiter sa voiture en électrique ?
Parlons du sujet qui fâche un peu. Le retrofit n’est pas (encore) une solution low-cost. Les prix varient, mais on peut donner quelques repères :
- Pour une petite voiture citadine : souvent entre 8 000 et 15 000 €, selon le kit et l’autonomie choisie.
- Pour un utilitaire léger ou un van : plutôt 12 000 à 25 000 €.
- Pour des véhicules de collection (anciennes, youngtimers) : les tarifs peuvent monter, notamment si l’on veut intégrer la technologie sans dénaturer l’esthétique.
Ça pique, oui. Mais il faut le comparer à :
- l’achat d’un véhicule électrique neuf (plutôt entre 25 000 et 45 000 €),
- les économies sur le carburant (l’électricité reste largement moins chère que l’essence ou le diesel, même en période de hausse),
- les coûts d’entretien réduits,
- le fait de prolonger la durée de vie d’un véhicule que vous possédez déjà.
Autre point important : certains dispositifs d’aide existent ou ont existé pour encourager le retrofit (bonus écologique, aides locales, subventions pour les professionnels). Il est impératif de vérifier les dispositifs en vigueur au moment du projet, car ils évoluent régulièrement.
Les aides financières et avantages possibles
Selon votre situation et votre lieu de résidence, vous pouvez parfois bénéficier de :
- Aides nationales : le retrofit a pu bénéficier d’un coup de pouce de l’État (jusqu’à plusieurs milliers d’euros), sous conditions de revenu et de type de véhicule.
- Aides locales : certaines métropoles, régions ou agglomérations proposent des aides complémentaires pour les conversions à l’électrique, surtout pour les professionnels et les habitants des ZFE.
- Avantages fiscaux : exonération de la taxe régionale sur la carte grise pour les véhicules électriques dans de nombreuses régions.
- Avantages d’usage : accès aux zones à circulation restreinte, stationnement facilité ou moins cher selon les villes, vignette Crit’Air 0.
La bonne pratique : avant de vous lancer, faire un petit tableau avec : coût total du retrofit – aides potentielles – économies estimées de carburant et d’entretien sur 5 à 10 ans. Ce n’est pas très romantique, mais ça évite les mauvaises surprises.
Est-ce que toutes les voitures peuvent être rétrofitées ?
Non, et c’est une des limites majeures de la démarche. En théorie, beaucoup de véhicules sont techniquement convertibles. En pratique, les entreprises se concentrent sur certains modèles pour lesquels elles ont développé des kits homologués.
On retrouve souvent :
- des citadines populaires et anciennes (Clio, Twingo, 205, etc.),
- des utilitaires légers très répandus (Master, Trafic, Jumper, etc.),
- des véhicules de collection (Coccinelle, 2CV, Mini, Fiat 500, etc.).
Les gros SUV, berlines premium récentes ou véhicules très lourds sont plus compliqués à convertir, pour des raisons de poids, de place disponible pour les batteries et de rentabilité. Si votre voiture n’est pas dans la liste des modèles pris en charge, il faut parfois attendre que le fabricant de kit développe une solution… ou envisager une autre approche.
Comment choisir le bon professionnel pour votre retrofit ?
On ne confie pas le cœur de sa voiture à n’importe qui, surtout lorsqu’il s’agit de haute tension électrique. Quelques critères utiles :
- Homologation et agrément : vérifier que l’entreprise est bien agréée pour le retrofit et utilise des kits homologués en France.
- Références : demander des exemples de conversions déjà réalisées, idéalement sur un modèle proche du vôtre.
- Transparence sur le devis : détail des opérations, prix du kit, coût de la main-d’œuvre, gestion de l’homologation, délais.
- Garantie : sur le moteur, sur les batteries, sur l’installation. Une conversion sérieuse s’accompagne d’une vraie garantie.
- Service après-vente : qui s’occupe du suivi, que se passe-t-il en cas de problème, y a-t-il un réseau de partenaires ?
N’hésitez pas à poser des questions très concrètes : « Quelle autonomie réelle je peux espérer en hiver ? », « Où seront placées les batteries ? », « Comment ça se passe pour le contrôle technique ? ». Un bon pro sait répondre sans se cacher derrière du jargon.
Retrofit : pour qui c’est une bonne idée… et pour qui ça ne l’est pas
Le retrofit électrique, ce n’est ni une solution miracle, ni un gadget. C’est une option sérieuse, mais qui correspond particulièrement à certains profils :
- Les urbains et périurbains qui font moins de 80 km par jour et possèdent déjà une voiture qu’ils apprécient.
- Les professionnels (artisans, livreurs, services) qui veulent continuer à utiliser leurs utilitaires en ville sans être bloqués par les ZFE.
- Les passionnés de véhicules anciens qui veulent rouler tous les jours avec une voiture de collection sans s’enfumer ni se faire bannir des centres-villes.
En revanche, le retrofit n’est pas forcément idéal si :
- vous faites souvent de très longs trajets (autoroute, vacances loin, etc.),
- votre voiture est déjà en fin de vie (châssis rongé par la rouille, freins fatigués, intérieur détruit),
- vous recherchez absolument les dernières assistances à la conduite (ADAS, conduite semi-autonome, gros écrans tactiles, etc.).
Dans ces cas-là, un véhicule électrique neuf ou récent peut être plus cohérent, même si l’investissement de départ est plus élevé.
Retrofit électrique : un pont entre hier et demain
On le sent bien : la voiture thermique vit ses dernières décennies, surtout en ville. Mais tout le monde n’a pas envie, ni les moyens, ni l’intérêt de repartir à zéro avec un véhicule neuf. Le retrofit offre une voie intermédiaire : garder ce que nous avons déjà, mais le rendre compatible avec l’avenir.
Est-ce que c’est parfait ? Non. C’est parfois cher, limité en autonomie, peu adapté à certains modèles. Mais c’est une piste très sérieuse pour éviter la casse massive de véhicules encore parfaitement utilisables, tout en répondant aux enjeux climatiques et réglementaires.
Si vous avez une voiture à laquelle vous tenez, ou un utilitaire qui fait tourner votre activité, la question mérite d’être posée : plutôt que d’attendre la prochaine interdiction de circuler, pourquoi ne pas voir si un moteur électrique pourrait lui offrir une deuxième vie ?
Et si, dans quelques années, le plus chic n’était plus de rouler en dernière berline électrique à la mode, mais en vieille citadine rétrofitée, silencieuse, propre… et résistante à la mode comme aux ZFE ? À méditer, clé de contact (ou plutôt bouton « Start ») en main.
